La formation des membres du conseil : un impératif pour une bonne gouvernance en Europe

Quelle que soit la taille de l’entreprise, la formation des membres du conseil est essentielle : ce n’est plus une simple question de préférence ou d’image. Bien sûr, la formation des membres des conseils d’administration a toujours fait partie des discussions sur la gouvernance d’entreprise. Ce qui a changé, ce sont les attentes juridiques et réglementaires.

De la maîtrise des enjeux ESG à la surveillance des cyber-risques, les conseils d’administration qui ne se tiennent pas informés s’exposent à bien plus qu’à de mauvaises décisions. Ils s’exposent désormais à des responsabilités juridiques.

Le véritable défi pour les secrétaires généraux et les directions juridiques consiste donc à organiser cette formation de manière efficace. Car les réglementations évoluent sans cesse, et il faut suivre le rythme. Mais comment faire concrètement ? Explorons la question.

Ce qui a changé : lumière sur l’Europe

Partout en Europe, plusieurs cadres réglementaires convergent vers un principe commun. Les membres du conseil doivent faire preuve d’une compétence continue face à des risques complexes et émergents.

Union Européenne

L’un des changements les plus significatifs dans le paysage de la gouvernance concerne la montée en puissance des exigences en matière de durabilité d’entreprise. Aujourd’hui, les membres du conseil (et les secrétaires généraux) sont censés posséder au minimum une compréhension de base des enjeux ESG, afin de satisfaire aux obligations réglementaires.

Si les directions juridiques jouent généralement un rôle précieux dans ce domaine, les conseils dépourvus de compétences en ESG s’exposent à plusieurs risques. Cela inclut le non-respect des échéances, la mauvaise interprétation des attentes réglementaires, ou encore un décalage stratégique avec les orientations de l’organisation.

La directive sur la publication d’informations en matière de durabilité des entreprises (CSRD) exige explicitement que les conseils rendent compte, de manière rigoureuse et documentée, des structures de gouvernance ESG mises en place et de leur supervision. Ainsi, la formation continue dans ce domaine ne relève plus d’une simple bonne pratique. Elle devient une obligation de conformité.

Royaume-Uni

Un changement similaire s’opère au Royaume-Uni, où les attentes en matière de gouvernance dépassent désormais la seule supervision financière. Le développement professionnel continu des administrateurs y est pleinement intégré. Les membres du conseil doivent aujourd’hui démontrer qu’ils disposent des compétences et connaissances nécessaires pour gérer efficacement les risques, qu’ils soient anciens ou émergents.

Le UK Corporate Governance Code met clairement en avant la formation et le développement professionnel comme éléments clés de la composition et de l’évaluation annuelle du conseil. Cela impose aux organisations une responsabilité explicite. Elles doivent veiller à ce que leurs administrateurs actualisent et renforcent continuellement leur expertise.

Ces exemples illustrent une tendance forte. Les régulateurs attendent des conseils qu’ils soient compétents, et non simplement constitués. Une nomination au conseil n’est plus une fin en soi. C’est le point de départ d’un parcours juridique et professionnel exigeant. Ce parcours est marqué par l’apprentissage permanent.

Les risques invisibles d’un conseil d’administration non formé

Lorsqu’un conseil n’est pas engagé dans une démarche structurée de formation continue, il expose l’organisation à de nombreux risques :

Non-conformité réglementaire

Peu de choses sont plus préjudiciables qu’un manquement à la conformité. Rater une échéance critique ou négliger une obligation peut entraîner des conséquences lourdes, en particulier dans des domaines sensibles comme la publication d’informations ESG.

Les membres du conseil, au même titre que les autres parties prenantes impliquées dans la prise de décision, doivent maîtriser les bases des grands enjeux de gouvernance. Cela inclut la protection des données, la cybersécurité, et la durabilité, comme évoqué plus haut.

Dans bien des cas, le risque de non-conformité pourrait être évité. Tout repose sur une compréhension claire du cadre réglementaire dans lequel évolue l’organisation.

Zones d’ombre stratégiques

Nous l’avons vu : les compétences attendues des membres du conseil dépassent largement les seules considérations financières. Un conseil efficace est celui qui pose les bonnes questions et relie les défis émergents à la stratégie globale de l’entreprise.

Sans échanges réguliers autour de sujets critiques comme l’éthique de l’intelligence artificielle, le risque climatique ou les tensions géopolitiques, les administrateurs risquent de passer à côté de signaux essentiels à la performance de long terme, et à la confiance des parties prenantes.
Le véritable danger ? Que ces thématiques soient traitées de manière trop superficielle. Cela affaiblit ainsi la résilience de l’entreprise et la lucidité du conseil sur les impacts réels de certaines évolutions, comme l’IA, pour ne citer qu’un exemple.

Éviter ces angles morts stratégiques et juridiques passe par un engagement clair en faveur de l’apprentissage continu.

Comment éviter ces risques ?

Plutôt que de considérer la formation des membres du conseil comme une simple formalité, les directions juridiques devraient se positionner en véritables partenaires stratégiques. C’est une opportunité précieuse pour les juristes d’entreprise. Ils peuvent partager leur expertise et devenir les ambassadeurs d’un pilier fondamental de la gouvernance d’entreprise.

1. Défendre une politique formelle de formation des membres du conseil

Cela peut sembler évident, mais ce n’est pas toujours appliqué dans les faits. Les directions juridiques sont particulièrement bien placées pour proposer, rédiger et contribuer à l’application de politiques imposant une formation régulière sur des sujets réglementaires spécifiques.
Cette simple initiative transforme la formation (souvent perçue comme facultative) en exigence opérationnelle et stratégique que les conseils ne peuvent plus se permettre d’ignorer.

2. S’appuyer sur une expertise externe

Les juristes internes sont des partenaires essentiels sur les sujets de conformité. Toutefois, certains enjeux plus spécialisés, comme des évolutions réglementaires propres à une juridiction, nécessitent l’intervention d’experts externes.

C’est particulièrement vrai pour les entreprises internationales opérant dans plusieurs pays ou régions. Sans le bon accompagnement, les spécificités juridiques locales peuvent facilement être négligées.

3. Suivre et documenter la participation

La formation des administrateurs perd toute sa valeur stratégique si l’organisation ne peut pas démontrer qu’elle a bien eu lieu. Se contenter d’une présence informelle ou de sessions non documentés n’est plus suffisant. Les régulateurs attendent désormais une gouvernance fondée sur des preuves tangibles. C’est pourquoi il est essentiel de disposer de solutions de technologie juridique. Ces solutions doivent être capables d’assurer un suivi clair des décisions et des historiques d’audit.

4. Intégrer la formation des membres du conseil à l’évaluation de celui-ci

La formation ne doit pas être une activité isolée. Elle doit être pleinement intégrée au processus annuel d’évaluation du conseil. Le UK Corporate Governance Code recommande explicitement des revues de performance annuelles incluant une évaluation des compétences, de la composition du conseil et des besoins en développement. Cette approche favorise également la planification des successions, en identifiant les lacunes actuelles et les compétences futures à acquérir pour répondre aux risques émergents. Ces risques peuvent inclure la gouvernance de l’IA ou la supervision de la durabilité.

De l’obligation à l’opportunité

La formation du conseil est aujourd’hui une obligation légale : nous avons dépassé le stade des simples attentes réglementaires. Pour les directions juridiques, c’est une occasion unique. Elles peuvent jouer un rôle moteur et s’imposer comme des acteurs clés de la gouvernance.

En formalisant les parcours de formation, en s’appuyant sur les technologies numériques et en instaurant une véritable culture de la responsabilité, les équipes juridiques peuvent protéger l’organisation. Elles renforcent aussi la capacité du conseil à gouverner efficacement.

L’un des moyens les plus concrets d’ancrer cette dynamique d’apprentissage est d’utiliser une plateforme numérique de gouvernance. Une solution de gestion de conseil adaptée permet notamment de centraliser les ressources utiles à la formation et au partage de connaissances. Elle facilite aussi le suivi des évolutions et l’identification des sujets sensibles. Ces sujets peuvent menacer la résilience de l’organisation.